Ils sont jeunes, engagés pour la justice sociale et l'écologie et prônent un mode d'action non-violent en accord avec leur foi : des militants chrétiens multiplient en France les alertes sur le climat.
En ce matin d'automne, le froid n'a pas dissuadé la quarantaine de membres du collectif Lutte et contemplation de se retrouver devant le siège de TotalEnergies à La Défense, près de Paris, pour dénoncer, en silence et pendant une heure, un projet de pipeline en Afrique.
Avant de s'engoufrer dans la tour, les salariés jettent un oeil curieux au groupe réuni autour d'une unique bougie. "Ça déconcerte, mais on a peu de réactions cyniques ou moqueuses", assure Charlotte, une militante de la première heure ne souhaitant pas donner son nom de famille.
Jeudi, de nouveaux "cercles de silence" sont prévus, notamment à Lyon, pour marquer le lancement de la COP 28 à Dubaï.
Il s'agit de porter "une lutte joyeuse, créatrice et non-violente" explique Benoît Halgand, l'un des porte-parole de ce collectif de chrétiens majoritairement catholiques, lancé oficiellement en septembre.
Le pape François, qui a fait de la défense de l'environnement l'un des piliers de son pontificat, a finalement renoncé à participer à la COP pour raison médicale. Mais il a encore mis en garde dimanche contre "la menace climatique" qui "met en danger la vie sur Terre".
L'Eglise "au service de la terre"
Revendiquant 200 à 300 participants à ses actions, le collectif Lutte et contemplation reflète une tendance minoritaire au sein de l'Eglise. Mais la participation "augmente tout le temps", assure-t-on, avec huit groupes lancés ou en construction à Strasbourg, Lyon ou Nantes.
Ces jeunes, qui avaient déjà apostrophé les évêques français sur le climat dans une tribune au quotidien catholique La Croix en octobre 2022, se revendiquent clairement de la vision de "conversion écologique" développée par le pape argentin dans son encyclique "Laudato Si'".
"Il sent que c'est le chemin que doit prendre l’Église. Si elle ne se met pas au service de la Terre et des plus pauvres, elle va continuer de péricliter", afirme Benoît Halgand.
Au sein de l'Eglise, la préoccupation écologique a déja donné naissance à plusieurs initiatives: des blogs existent, un label "Eglise verte" a été lancé en 2018 et le mouvement oecuménique "Chrétiens unis pour la Terre" allie depuis 2012 foi et écologie.
Le mouvement Extinction Rebellion a lui aussi une branche "spiritualités".
"S'émanciper"
Lutte et contemplation "est aussi né de l'envie que les choses bougent", reprend Charlotte, car chez ces militants de 20 à 30 ans "il y a une conscientisation très forte et la sensation qu'il faut vraiment agir sinon les choses ne bougent pas".
"Cette crise écologique nous remet dans une démarche spirituelle, elle nous oblige à nous reposer des questions existentielles, et les chrétiens ont des réponses à apporter", ajoute Benoît Halgand, qui voit dans les désastres écologiques un "point de jonction" entre foi et défense de l'environnement.
Si le collectif refuse de se positionner sur l'axe gauche-droite, "il s'agit d'être dans la justice écologique et sociale", ajoute le porte-parole.
Lui-même diplômé de Polytechnique, il fait partie, à 25 ans, de ces "bifurqueurs" qui ont préféré la quête de sens au confort d'une belle carrière.
"On va vivre encore beaucoup de crises, ça va être dur, mais on peut en profiter pour s'émanciper d'un certain nombre de contraintes", afirme-t-il.
A l'heure où certains militants écologiques lancent de la soupe sur des tableaux pour alerter le public, Lutte et contemplation revendique un mode d'action moins spectaculaire.
"On ne veut pas être pas dans le culte de l'eficacité ou une course au toujours plus dans le militantisme", ajoute le porte-parole.
Ce qui suppose d'intégrer "une forme d'impuissance", de "ne pas entrer dans la logique" des chifres utilisés par les multinationales pour convaincre: "par une simple présence silencieuse, on peut aussi nourrir quelque chose."
La Rédaction (avec AFP)